L’agriculture dans les abbayes

dimanche 16 juin 2013
par  Mr VARIN Eric
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L’agriculture, du moyen de subsistance…….

 

L’agriculture, tant l’élevage que la culture, coexiste dès l’origine du monachisme, dans la mesure où les moines ont besoin de se nourrir. La règle de Saint Benoit précise que le travail manuel doit être présent de manière raisonnable dans la vie du moine. Les moines cultiveront donc eux – mêmes la terre.

 

….à la gestion économique.

 

Mais, comme les abbayes sont devenues d importants centres agricoles, les religieux gèrent ces richesses pour en tirer des revenus conséquents, avec des formes variées de mise en valeur :

 

  • Les terres sont louées contre un simple cens (redevance fixe et perpétuelle)
  • Les terres sont possédées en métayage  : l’exploitant paie le possesseur avec des parts prélevés sur la récolte
  • Elles sont exploitées par des serfs sur les manses serviles de l abbaye qui sont des unités d’exploitation, mises en valeur par des serfs.
  • Les terres sont mises en valeur par petits lots, sur lesquels l’Abbaye installe de la main d œuvre libre ou servile, moyennant un loyer.

 

Le renoncement à l’agriculture

 

Néanmoins, dès le VIIème siècle, certaines abbayes donnent toutes leurs terres en fermage, moyennant une rente annuelle, pour éviter que les moines ne soient distraits par cette gestion. Au IXème siècle, comme le font les grands propriétaires laïcs, certaines abbayes, comme Saint Martin de Metz, renoncent à exploiter leur réserve (les terres cultivées directement à leur profit) pour l’allotir à des tenanciers.

 

A CLUNY, par exemple, les abbés jugent la pratique de l’agriculture, contraire au recueillement monastique. Mais, à partir du XIème siècle, les abbayes doivent s’intégrer dans une économie fondée sur les échanges et la monnaie. Ainsi, Cluny, au début du XIIIème, dépense des sommes énormes pour acheter du grain.

 

Un retour à la règle originelle.

 

En outre les domaines ont souvent été négligés, et ne suffisent plus à ravitailler une population monastique devenu énorme, et on constate une évolution générale : il est de plus en plus difficile de vivre du revenu des terres, cultivées par d’autres. Les revenus baissent, car les exploitants ne paient plus les redevances. Les monastères achètent alors des rentes en grain et en vin. Dès la fin du XIème, et progressivement, les terres sont aliénées, et les grandes abbayes voient leur superficie diminuer. Elles vont s’appliquer alors à mieux gérer les terres restantes, de manière traditionnelle.

 

L’agriculture à Cîteaux et l’idéal d’autarcie…

 

L’agriculture cistercienne s’est immédiatement intégrée à l’économie d’échange, faisant reposer cette gestion sur une excellente administration et de solides compétences. Les cisterciens souhaitent l’autarcie. La volonté de remettre l’accent sur le travail manuel relève du désir de revenir à une interprétation plus stricte de la règle bénédictine (Cluny accordant une place prépondérante à la liturgie) mais aussi d’une nécessité économique. Aussi, voit-on les moines participer aux labours, moissons, vendanges,…, même si les véritables travaux des champs sont assurés par les convers. (Ces derniers travaillent aussi dans les granges, éloignée ou non des monastères). 

 

…vite remis en cause.

 

Pourtant, notamment à cause de la baisse du nombre de convers, la situation ne perdure pas. Des les années 1210/1220, le principe du faire – valoir direct est remis en cause, et les terres sont données en métayage et des contrats d’élevage sont passés avec des colons. En 1262, moines et convers sont autorisés à prendre des fermes. Les ventes de granges commencent dès la seconde moitié du XIIème siècle.

 

La spécialisation agricole.

 

Les cisterciens innovent, en pratiquant la spécialisation agricole. Ainsi, ils plantent la vigne, et exportent le vin. (L’abbaye de Cîteaux plantera les premiers ceps du clos Vougeot). Les cisterciens jouent également un grand rôle dans le développement de l’élevage, avec de grands troupeaux de vaches laitières et de bovins dans les Alpes Françaises, développant et organisant aussi l’élevage du mouton (ils sélectionnent les meilleures races pour obtenir la meilleure laine). Certaines abbayes se spécialisent dans cette production : Fontfroide en Roussillon, Pontigny et Clairvaux en Bourgogne, mais aussi Fountains (en Grande Bretagne), qui élèvera jusqu’à 15 000 têtes. 

 

La réussite économique.

 

Ils commercialisent les surplus, et des acheteurs italiens et flamands passent des contrats de longue durée avec les cisterciens, dont l’organisation est très centralisée : seul l’intendant s’occupe des relations d’affaires. Les cisterciens sont présents sur les marchés dès la seconde moitié du XII e siècle, et l’importance de leur commerce de laine leur vaudra même une certaine influence politique. En outre, à cette époque, le parchemin, servant à la rédaction des livres, reste issu de la peau des animaux. 

 

La pisciculture.

 

Mais, pour des communautés qui doivent pratiquer l’abstinence, il fallait s’intéresser à l’élevage des poissons, à travers la création de viviers, nécessitant d’impressionnants travaux hydrauliques. Ainsi, à OBAZINE, un canal creusé à flanc de falaise conduit des eaux vives sur 700 mètres pour alimenter un grand vivier, avant de faire tourner 3 moulins. Au début du XIIIème siècle, 8 monastères s’entendent pour creuser la Canal des Cinq Abbés, dans la Sèvre Niortaise. En 50 ans, ils gagnent 7 kilomètres sur les eaux.

 

L’innovation, fruit de cette spécialisation.

 

Les moines jouent aussi un rôle important dans le développement de nouvelles cultures ou de techniques agricoles. Ainsi les moines bénédictins du Sud Ouest reconstituent un vignoble ravagé par les Maures et assèchent les marécages du Médoc pour créer par la suite des Graves. Le monastère clunisien de MOISSAC doit sa fortune à la clientèle de Jean sans Terre. Dès le haut Moyen Age, l’abbaye de Saint Denis, et celle de Saint Germain des Prés, fournissent Paris en vin et exportent leur surplus. Dom Pérignon (1638-1715), bénédictin de la congrégation de Saint Vanne, devenu cellérier de l’abbaye de Hautvillers proche d’Epernay, invente le procédé de champagnisation à partir d’un vin blanc de rouge.

 

L’exploitation moderne des terres.

 

Les cisterciens manifestent un incontestables goût pour le machinisme (notamment l’utilisation de moulins) ; matériel, que les abbayes fabriquent elles – mêmes. Ainsi, l’Abbaye de CHAALIS possède la grange de VAULERENT. Ils n’ont de cesse de constituer une vaste exploitation, qui atteint 380 hectares en 1146 et comprend 80 hectares de bois défrichés. En 1248, ils ont réussi à remembrer des terres pour obtenir 31 parcelles au lieu des 90 existantes. Ils y pratiquent l’assolement triennal (rotation des cultures sur 3 ans) avec des plantations réparties sur 3 parcelles nettement définies et spécialisées. La rotation concerne une céréale d’hiver, une autre de printemps et la 3ème en jachère. Le travail est effectué par des chevaux, et le rendement semble avoir été élevé. Sur ces mêmes terres, ils possèdent deux vignes, des champs de guède (plante permettant de réaliser une teinture bleue) et des prairies ou sont élevées 500 bêtes à laine. Les exploitations cisterciennes constituent donc des fermes modèles. Enfin, l’agriculture ne reste pas qu’une activité physique pour les religieux, puisque les traités d’agronomie de l’Antiquité sont recopiés dans des monastères bénédictins.


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