L’Ordre de Grandmont

dimanche 10 mars 2013
par  Mr VARIN Eric
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Vie d’Etienne de Muret et naissance de l’Ordre de Grandmont.

 

Lorsqu’il décède, le 08 février 1124, Etienne de Muret (né vers 1045 à Thiers) a déjà attiré autour de lui, dans les bois de Muret, un grand nombre de disciples, venus le rejoindre après avoir entendu parler de la vie très austère mais également de la très grande charité (d’où le surnom de « BonsHommes »), dont il a fait preuve. Etienne aurait vécu, avant de s’installer à Muret, auprès de Saint Gaucher à Aureil. Contraint de se transférer en un nouveau lieu appelé Grandmont, la communauté réunie autour d’Etienne poursuit son rayonnement, et en 1156, le pape Adrien IV confirme les 65 articles du nouvel ordre de Grandmont, parmi lesquels on soulignera :

 

  • Le refus de possession de terres, sauf dans l’enclos de chaque maison.
  • Le refus de toute fonction paroissiale et du service temporel.
  • L’accueil des pauvres et une très grande charité.
  • Le refus de tenir toutes archives, afin de ne pas avoir à plaider en justice.
  • L’interdiction d’accepter l’adhésion des lépreux et des femmes.
  • La place faite aux convers, chargés du Temporel (afin de décharger les religieux) et désignés pour administrer les celles.

 

Le conflit originel entre clercs et convers

 

 

 

Cette originalité, vis-à-vis des convers – la Règle stipule que chaque maison sera administrée par un dispensateur, choisi parmi les convers – suscitera bien des querelles au cours des siècles, et dès 1171, le pape Alexandre III accepte, par une bulle, l’évolution de la règle primitive en autorisant l’existence du correcteur, choisi parmi les clercs, dans chaque maison, qui aura autorité sur le dispensateur. La querelle entre convers et clercs restait néanmoins sous – jacente, ce qui n’empêcha pas l’ordre d’accroître encore sa renommée, comme l’atteste l’existence de 74 fondations en 1163. En 1183, le pape Lucius II exempte même l’ordre fondé par Etienne de la juridiction de l’évêque et du paiement des dîmes.

 

Cette prospérité, contraire par nature à l’esprit même de Grandmont, devait être vite rattrapée par la querelle opposant les religieux de chœur aux convers. Si on comptait un clerc pour 8 convers en 1140, la proportion passa à un pour 3 en 1180. Les clercs méprisaient ces convers illettrés, qui, eux, ne cessaient d’affirmer leur importance selon la Règle originelle d’Etienne. Deux crises (en 1185, puis en juin 1187) ébranlent l’abbaye de Grandmont et l’ordre tout entier, et le calme ne reviendra (temporairement) qu’avec l’élection d’un nouveau prieur, Gérard ITHIER, en septembre 1188. La crise couve toujours, mais le 01er mars 1219, Honorius III accorde à l’Ordre de Grandmont une grande bulle, le Privilège, réorganisant l’Ordre, en donnant plus de pouvoir au prieur. 

 

Une nouvelle révolte des convers, en mai 1219, prouve la volonté de ces derniers à ne pas se résigner, et ils obtiennent, en 1223, par le pape Honorius III, un retour à la règle originelle, en saisissant tous les biens de l’ordre détenus en dehors de l’enclos. Néanmoins, cette saisie représente une véritable menace pour la survie de l’ordre, qui demeure encore fort estimé, et l’année suivante, le même Saint Père revient sur cette disposition, en supprimant (purement et simplement) l’article incriminé de la règle originelle. Dès lors, l’Ordre Grandmontain pourra posséder en dehors de ses enclos monastiques. Cette querelle avec les convers – rappelons-le le conflit est né de la règle originelle – s’éteindra toute seule, avec la baisse progressive du recrutement des frères lais.

 

 

L’éloignement de l’Ordre vis-à-vis de la règle originelle : la bulle papale du 01er Novembre 1317

 

 

 

La règle originelle fut donc modifiée, comme nous venons de le voir, pour la seule survie de l’Ordre, et les entorses aux principes d’Etienne furent nombreuses. Ainsi, en Haute Vienne, on vit l’Ordre de Grandmont s’ouvrir aux monastères féminins avec les celles d’Aubepierre, du Châtenet et de La Drouilhe Blanche (Le monastère de la Drouilhe Noire semble plus relever de l’Ordre bénédictin, même si certains ont vu y voir une fondation grandmontaise).

 

Dénoncé pour sa vie scandaleuse en novembre 1315, le prieur Jourdain de Rapistan refuse de se soumettre, malgré l’élection d’un nouveau prieur, Hélie Adémar, et l’absence de successeur au siège de Saint Pierre (Jean XXIII ne sera élu qu’en 1316) explique l’enlisement de la situation, jusqu’à la bulle papale du 01er novembre 1317, qui érige Grandmont en abbaye Chef d’Ordre et organise 39 prieurés, auxquelles se rattacheront les autres celles. Si chaque prieuré sera indépendant, il devra, convers exclus, compter entre 14 et 22 religieux (60 pour Grandmont). 

 

Un mois plus tard, le 1er décembre, le Saint Père nomme Guillaume Pellicier comme 1er abbé de l’Ordre et désigne les 39 prieurs, qui se réuniront dans le 1er chapitre général en 1319. L’érémitisme, initié par Etienne, prenait fin. Poursuivant dans cet éloignement de la Règle initiale, ce chapitre général de l’Ordre autorisera l’entrée des frères lépreux dans les deux léproseries grandmontaises, annexes des maisons de La Haye aux Bonhommes d’Angers et de Bois Rayer de Tours.

 

 Prieuré Saint Michel de Grandmont

 

Le début du déclin et la Commende à Grandmont

 

 

 

La réputation de l’ordre commence en ce XIVème siècle à s’amoindrir, et en 1471, le duc d’Auvergne, Jean de Bourbon, introduit la Commende à Grandmont en y installant son frère, Charles de Bourbon. La situation perdurera jusqu’à l’Ordonnance de Blois, dans laquelle la volonté d’Henri III est proclamée comme règle : Chaque abbaye chef d’Ordre devait avoir un abbé élu. Ainsi, depuis 1579, avec l’élection de François II de Neuville, jusqu’à la suppression de l’ordre, les abbés de Grandmont seront à nouveau élus.

 

Les guerres de religion, et les troubles du XVIème siècle, affectent les celles et les prieurés de l’Ordre, qui cherchent, pour lutter contre ce déclin inéluctable, à se réformer (Un chapitre général de 1643 confirme la nouvelle règle adoptée en 1625).

 

Le terrain est prêt, lorsque Charles Fremon s’essaie à un retour à la règle initiale dans sa maison d’Epoisses, près de Dijon, (Le prieur commendataire s’y opposait), puis lorsqu’il fonde à Thiers un monastère réformé en 1649. C’est à Thiers, qu’il rédigera sa règle de l’Etroite Observance, qui sera approuvé.

 

Lorsque la Commission des Réguliers – fondée pour réformer les ordres monastiques – ordonne la réunion de l’Ordre de Grandmont (25/09/1768), des conflits internes ont déjà mis à mal la réputation de l’ordre (Ainsi, le procureur général de l’Ordre, Dom Razat, écrira en décembre 1766  : Je crois que ce serait un véritable bien que cet ordre fut supprimé (…)).

 

D’un autre côté, l’évêque de Limoges presse cette commission de dissoudre l’Ordre, afin qu’il puisse s’en emparer et en tirer profit et bénéfices. Si l’Etroite Observance de Grandmont se saborda elle-même en mars 1770, la commune Observance fut supprimée par bulle papale du 06/08/1772, qui suspendit cette suppression au décès (ou à la démission de l’abbé).

 

 Or, FrançoisXavier Mondain de la Maison Rouge, élu en 1748, se lança dans de vaines contestations juridiques, et il fallut attendre son décès, à l‘âge de 81 ans le 11 avril 1787, pour que les deux derniers religieux soient expulsés (Novembre 1788), et le trésor dispersé (24 juillet 1789)…Quelques mois plus tard, la Révolution réservera le même sort à toutes les fondations religieuses.

 


 A suivre :

La liste des prieurs de l’Ordre de Grandmont

La liste des Celles de Grandmont

 

 


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